
A l’orée des cinquante ans
Aujourd’hui, je partage un texte plus personnel. Un texte né d’une étape, d’un chiffre qui compte mais qui ne dit pas tout : 50 ans. Des mots pour parler du chemin, des doutes, de ce qu’on apprend, de ce qu’on laisse, de ce qu’on garde.
Peut-être que certains d’entre vous s’y reconnaîtront.
Bonne lecture à vous.
À l’orée des cinquante ans
Maintenant, j’y suis.
Je suis arrivé sur ce promontoire.
Derrière, la pente douce de la jeunesse, ses élans, ses excès, ses lignes courbes.
Devant, un paysage encore inconnu, plus calme peut-être, mais pas moins vaste.
À 50 ans, on se pose mille questions, certaines anodines, d’autres abyssales. Est-ce qu’on porte encore bien le jean ? Est-ce que ce petit pli au coin de l’œil est une ride ou juste un rire qui s’attarde ? Est-ce qu’on a raté quelque chose ? Ou est-ce qu’on a simplement tracé un autre chemin ?
On s’interroge : est-ce que j’ai fait ce que je voulais faire ? Ou ce que je devais faire ?
Est-ce qu’il est trop tard pour tout recommencer ? Pour oser ? Pour aimer autrement ?
Est-ce que les gens que j’aime le savent assez ? Est-ce que je me suis aimé, moi, comme j’aurais dû ?
On pense au corps, à ce qu’il dit en silence. Il grince un peu, proteste parfois. Mais il est encore là, fidèle compagnon, marqué peut-être, mais pas vaincu. Il devient territoire de mémoire, témoin du temps et de tout ce qu’il reste encore à vivre.
On pense à l’amour, à l’amitié, à ce qui dure, à ce qui s’est effacé, à ce qui reste à inventer. On pense aux enfants qu’on a eus ou pas, aux projets qu’on a portés ou laissés tomber. On se demande ce qu’on transmet — et ce qu’on veut encore apprendre.
Et parfois, on repense aux erreurs. Celles qu’on referait peut-être, différemment. Celles qu’on porte comme des cicatrices discrètes. On sent le poids du temps, celui qui file plus vite qu’avant, celui qu’on ne veut plus gaspiller. Et dans le silence des nuits ou au détour d’un souvenir, la pensée de la mort surgit, furtive ou massive. On se demande ce qu’il restera, ce qu’on aura laissé. On a peur, parfois. De ne pas avoir assez vécu. De partir trop tôt. De laisser trop inachevé. Mais cette peur, loin de tout figer, devient moteur. Elle réveille. Elle recentre. Elle pousse à aimer plus fort, à vivre plus vrai, à ne plus attendre.
À 50 ans, on a parfois l’impression d’être au milieu du gué. On regarde derrière pour comprendre. On regarde devant pour choisir. Et entre les deux, il y a ce présent, si précieux, si vivant.
Un présent qu’on apprend à habiter pleinement, sans plus attendre que demain nous sauve.
On apprend à faire la paix. Avec les autres. Avec soi. On devient un peu plus indulgent, parfois plus exigeant aussi, mais autrement. On aspire à l’essentiel, à la sincérité. Aux liens vrais, aux silences habités, aux moments qui comptent.
Et puis, il y a l’humour, toujours. Celui qu’on a affûté comme une arme douce contre le temps. On plaisante sur les lunettes de lecture, sur les noms qu’on oublie, sur les lendemains un peu plus lents. On rit, parce qu’on sait que le rire est un luxe qu’on a appris à s’offrir.
À 50 ans, on n’est plus tout à fait jeune. Mais on n’est pas vieux non plus.
On est vivant. Profondément, intensément vivant.
Pas un âge. Un point d’équilibre.
Et l’envie de continuer à écrire l’histoire.

