
Le trouble du toucher
Le plaisir commence toujours sous la peau.
Bien avant les mots, bien avant le goût, il y a le contact. La main qui effleure. La chaleur qui s’installe. L’intuition du geste juste.
Le toucher est une langue muette.
Il dit l’envie sans l’avouer. Il explore, devine, mesure. Un frisson naît d’un rien : un doigt sur une nuque, une paume qui s’attarde sur la hanche, un ongle qui trace un chemin secret entre deux omoplates.
Dans la cuisine, c’est la même histoire.
On plonge les mains dans la pâte comme on glisserait ses doigts dans une bouche entrouverte. On malaxe, on presse, on pétrit. C’est sensuel, c’est chaud, c’est vivant.
Le beurre ramolli au bout des doigts a la même douceur que certains corps. La farine sur la peau, c’est presque une caresse d’enfance. Et l’huile, versée lentement, devient promesse.
Il y a des mains qui nourrissent.
Et d’autres qui affament.
Le toucher, c’est le seul sens qu’on ne peut pas tricher.
Il faut oser. Il faut y aller. Il faut se salir, parfois. Il faut du vrai, du brut, du vivant.
Une main posée au bon endroit peut faire fondre plus vite qu’un feu.
Un corps pétri avec attention devient gourmandise.
Et parfois, dans une cuisine ou un lit,
ce n’est pas ce qu’on dit,
ni ce qu’on goûte,
qui fait tout basculer.
C’est ce qu’on ose toucher.

