
L’ombre du parfum
Il entre bien avant la main.
Il précède le regard, le goût, même le frisson. L’odeur est une promesse, ou un piège. Elle flotte, elle devance, elle trouble.
Dans la cuisine, l’odeur annonce le plat bien avant qu’il n’arrive.
Le thym chaud, la cannelle qui danse, l’ail qui dore doucement, le chocolat fondu… Tout cela se glisse en nous comme un souvenir d’enfance ou un début de faim. Le parfum s’insinue, il n’a pas besoin de permission. Il frappe à la mémoire, à l’émotion, au ventre. Il parle directement au cœur.
Et dans le lit, c’est la même magie.
Il y a ce parfum de peau, unique, que l’on reconnaît entre mille. Cette odeur d’autre, mélange de sueur douce, de savon oublié, de drap froissé. Une odeur qu’on suit comme un animal en chasse. Une odeur qui colle à l’oreiller. Qui reste sur les doigts. Qui revient quand l’autre est parti.
Le désir a son propre arôme.
Il peut être musqué, poudré, brut, entêtant. Il est parfois animal, parfois fruité, parfois vanillé. Mais il est toujours vivant. Et souvent, c’est cette odeur-là qu’on cherche à retrouver — plus encore que le corps.
L’odorat est le plus fidèle des traîtres.
Il ravive les absents, fait naître les manques, glisse des vertiges dans la nuque.
Il est ce souffle qui traverse, ce trouble qui s’installe, ce souvenir qui obsède.
Et parfois, dans une cuisine ou dans un lit,
on ne se souvient plus du goût,
ni du toucher,
mais d’un parfum.
Juste un parfum.

