Ouïe

Les sons qui font trembler

Certains plaisirs ne se voient pas.
Ils s’entendent.
Un crépitement dans une poêle. Un bouillon qui respire. Le bruit net du couteau qui fend la chair d’un fruit. Le souffle du four qui s’ouvre. La louche qui heurte doucement le bord d’une casserole. La cuillère qui tourne dans une tasse. Ces petits sons-là sont des caresses, des battements, des soupirs de cuisine.

Dans le lit, c’est pareil.
Il y a les froissements de draps, les sanglots étouffés, les soupirs qui échappent. Le claquement d’un baiser volé. Le souffle qui s’accélère. Le silence juste avant l’orage.
Et il y a surtout les mots. Ceux qui viennent à mi-voix, presque involontaires.
« Encore. »
« Là. »
« Oui. »

L’ouïe est un fil invisible entre deux corps.
Elle capte tout. L’intensité d’un gémissement. L’écho d’un souffle. Le rythme d’un plaisir qui monte.
Un râle peut faire jouir plus qu’un geste. Une injonction peut désarmer. Une voix grave peut faire frissonner. Et parfois, ce qu’on entend suffit à faire l’amour à distance.

Dans la cuisine comme dans le sexe, il y a des silences lourds, et des bruits délicieux.
Le silence entre deux bouchées.
Le cri de l’huile chaude.
Le souffle contenu avant le premier coup de langue.
Le bruit d’un doigt qui s’enfonce dans une pâte.
Celui d’une main sur une fesse.

Et parfois, dans une cuisine ou dans un lit,
ce n’est ni le goût,
ni la peau,
ni l’image,
mais le son…
qui fait trembler.

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