Et pourtant

Et pourtant, il tient…

Quand je vois la folie de chacun d’entre nous, je me demande comment le monde peut être encore debout.

Les cris étouffés dans les salons trop rangés.
Les guerres hurlées au nom d’idées qui ne nourrissent personne.
Les masques qu’on porte pour survivre, les vérités qu’on enterre pour s’adapter.
La vitesse. La surenchère. L’égo. La peur de manquer.
Et ce besoin absurde d’avoir toujours raison, même au prix des liens.
Même au prix de l’amour.

Il y a des jours où l’humanité me semble ivre. D’elle-même. De ses promesses non tenues. De son incapacité à écouter.

Et pourtant, le monde tient.
Malgré nos dérives, nos colères, nos solitudes.
Malgré les nuits où l’on ne croit plus à rien, où l’on s’endort le cœur vide, le regard flou.
Malgré les silences qui nous étranglent, les mots qu’on n’a pas su dire, les gestes qu’on n’a pas faits.

Peut-être qu’il tient à cause de ça, justement.
À cause des gestes qu’on fait quand même. Des mots qu’on finit par oser.
Des mains tendues dans l’ombre, des pardons murmurés.
De cette lumière fragile qu’on rallume, parfois, quand plus rien ne tient.
Une étoile. Un rire. Une caresse.
Quelque chose qui dit encore : je suis là.
Je tiens pour toi. Pour moi. Pour nous.

Alors oui, le monde est fou.
Mais il est peuplé de gens qui aiment malgré tout.
Et c’est peut-être ça, le miracle :
Ce n’est pas la raison qui sauve le monde.
C’est la tendresse qu’on s’autorise encore.

Mais parfois je doute.
Quand des bombes tombent sur Gaza et qu’on ne sait même plus qui pleure qui.
Quand on s’inquiète de la prochaine déclaration d’un homme à la mèche jaune comme d’un missile à retardement.
Quand l’Ukraine saigne en silence, que la Russie ruse, que l’Amérique joue à l’aveugle, que l’Europe tremble et regarde ailleurs.
Quand les extrêmes parlent plus fort que les justes, et que les foules les écoutent.

Je doute.
Quand les caméras regardent toujours du même côté.
Quand les vraies famines ne font pas d’audience.
Quand des peuples entiers disparaissent des cartes et des mémoires.
Quand on ne parle plus que de ce qu’on vend, de ce qu’on consomme, jamais de ce qu’on ressent.

Je doute.
Quand on tue pour des dieux que personne n’écoute plus.
Quand des enfants dorment dans des parkings, sous des tentes, sur des trottoirs, pendant que d’autres défilent dans des galas caritatifs.

Et pourtant… il tient.
Il tient parce qu’un inconnu aide une vieille dame à porter ses sacs.
Parce qu’un enfant rit malgré tout.
Parce qu’un regard sincère bouleverse encore un cœur fermé.
Parce qu’il y a, dans certains silences, plus de vérité que dans tous les débats.

Il tient parce que quelques-uns, encore, refusent de haïr.
Parce qu’il reste des hommes debout, des femmes qui écoutent, des âmes qui soignent.
Parce que, malgré tout ce qui menace, une main rejoint une autre dans l’obscurité.

Le monde est un funambule.
Il chancelle, il tangue, il perd pied, mais il avance.
Sur un fil tendu entre absurdité et beauté.
Et parfois, ce sont nos larmes qui font office de balancier.

Alors oui, le monde est fou.
Mais il tient encore, peut-être, parce que certains refusent de tomber.

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