
Écrire pour ne pas sombrer (Art thérapie partie 1)
Cet article ouvre une série en plusieurs volets consacrée à un thème qui m’est cher : le rôle de l’art dans le processus de guérison. Depuis plus de trente ans, l’écriture m’accompagne, m’aide à mettre des mots sur mes maux, à traverser les épreuves et à me reconstruire.
Pour enrichir ce voyage, je mène ces articles avec la participation de Julie Morin, art-thérapeute certifiée, qui partagera son regard professionnel et personnel sur la façon dont la création peut transformer nos vies. Que vous découvriez cette série par ce premier article ou que vous suiviez déjà chaque étape, laissez-vous porter : l’art est parfois la plus douce des médecines.
Quand tout a commencé
Comme beaucoup d’adolescents, j’étais mal dans ma peau. On se cherche, on se découvre, on tente de se trouver, mais souvent on a l’impression de ne pas être compris, écouté, soutenu. Alors on déprime, on se sent triste. Et souvent, comme beaucoup, on écrit. Des poèmes. Un journal intime. À qui on confie nos peurs, nos doutes, nos joies, nos tristesses, nos espoirs, notre désespoir. Chacun avec ses raisons, toutes légitimes.
Pour moi, les raisons sont vite devenues vitales. Aussi loin que je me souvienne, je ne me suis jamais senti heureux dans ma famille. Aîné d’une fratrie, je devais montrer l’exemple. On me le répétait sans cesse. Et forcément, c’est moi qui prenais. Mes sœurs en profitaient. J’étais celui qui devait encaisser, celui qui devait tenir.
La fracture
L’écriture s’est imposée à moi à l’adolescence, dans une période où je portais un secret trop lourd : un abus sexuel incestueux. Ou plutôt devrais-je dire un viol incestueux. J’ai fini par le révéler lors d’une séance avec un psychologue, en présence de ma mère. Mais ce fut une nouvelle violence. Elle ne m’a pas cru. Elle m’a répondu : « À cet âge-là on ne pense pas à ce genre de choses ». On m’a demandé de me taire. J’ai été rejeté.
À la même époque, j’ai découvert que celui que j’appelais “papa” n’était pas mon père. L’homme qui m’élevait m’infligeait brimades, coups, humiliations et privations. Je l’ai haï autant que j’en ai eu peur.
Alors il ne me restait plus qu’un refuge : l’écriture. Et la musique. Un espace où je pouvais m’exprimer sans crainte d’être jugé, ni d’être réduit au silence.
L’écriture comme exutoire
L’écriture m’a toujours permis de poser des maux sur les mots. Souvent, j’écrivais d’une traite, sans discontinuer, laissant couler la colère et la douleur. Chaque texte était une soupape, un cri muet. Et plus tard, en relisant mes cahiers, je pouvais analyser ce que j’avais traversé, comprendre, digérer. Avancer.
Un jour, j’ai osé confier mes cahiers à ma professeure de français. Elle m’a avoué avoir rarement lu autant de désespoir chez quelqu’un d’aussi jeune. Sur l’une de mes pages, elle a laissé une note, citant les derniers vers de L’Héautontimorouménos de Baudelaire. Comme si mes mots résonnaient avec cette figure du “bourreau de soi-même”.
De l’adolescent à l’adulte hypersensible
Avec le temps, j’ai compris que j’étais hypersensible, une véritable éponge à émotions. L’écriture m’a permis d’accueillir ce trop-plein, de le transformer en matière, d’en faire un passage plutôt qu’un poids. Elle a été là dans mes colères sourdes, mes peurs, mes joies intenses. Elle m’a aidé à traverser mes nuits comme mes renaissances.
Aujourd’hui, elle est toujours là. Elle fait partie intégrante de moi. Fidèle, discrète, infaillible. Compagne silencieuse, ancre, pilier. Un besoin vital. L’écriture, pour moi, ce n’est pas seulement un art. C’est une respiration. C’est ce qui m’a empêché de sombrer.
Conclusion et ouverture
Si l’écriture m’a sauvé adolescent, elle continue de m’accompagner adulte. Elle est à la fois cicatrice et lumière.
Mais mon expérience personnelle n’est qu’une facette de ce vaste sujet. Dès le prochain article, intitulé Là où l’art devient soin, je donnerai la parole à Julie Morin, art-thérapeute certifiée, pour comprendre ce qu’est réellement l’art-thérapie et en quoi la création, sous toutes ses formes, peut devenir un chemin de guérison. Vous pouvez retrouver Julie Morin via son compte Instagram ou sur son site internet.
Et vous, avez-vous déjà trouvé refuge dans l’écriture, le dessin, la musique ou une autre forme d’art ?
Qu’est-ce que cela vous a apporté ?


Un commentaire
Julie Morin
Quel plaisir d’avoir pu faire cette collaboration sur ce beau projet qui est le vôtre
je vous remercie d’avoir pris soin de m’entendre et d’entendre exactement ce qu’était l’art-thérapie.
Je suis curieuse de découvrir la suite de votre parcours, vous êtes une personne émotionnellement riche.
N’est-ce pas la plus grande richesse ?