
Quand l’art redonne le souffle (Art thérapie partie 5)
Cet article s’inscrit dans la série consacrée à un thème essentiel : le rôle de l’art dans le processus de guérison.
Après avoir franchi le seuil de l’atelier des émotions, nous découvrons aujourd’hui comment l’art accompagne les existences blessées. Loin d’être un simple exutoire, il devient parfois ce souffle retrouvé, cette respiration qui permet de continuer à avancer.
Depuis la nuit des temps, les êtres humains ont cherché à donner une forme à leur douleur pour la rendre supportable. Les larmes seules ne suffisent pas toujours : alors viennent les chants funéraires, les danses de guérison, les fresques collectives, les récits transmis de génération en génération. Chaque culture a inventé des rituels artistiques pour apprivoiser la perte et ramener la vie. Ce qui, hier encore, se vivait dans le collectif, trouve aujourd’hui une place dans un cadre thérapeutique qui garde la même vocation : redonner souffle et présence.
Des histoires de résilience
Les pratiques d’art-thérapie ne sont pas des abstractions. Elles s’incarnent dans des visages, des trajectoires, des vies fragiles qui trouvent dans la création une planche de salut.
Julie Morin en témoigne : « Dans le cadre du dépassement d’un deuil, l’expression artistique est assez marquante dans son résultat bénéfique, elle transcende réellement les situations de perte. Pour les personnes souffrantes de ruminations c’est aussi un remède que je dirais miracle, car il y a un vrai retour à l’instant présent. ».
Le deuil et les ruminations sont deux blessures humaines universelles. L’un confronte au vide, l’autre enferme dans une boucle sans fin. L’art agit ici comme une respiration nouvelle : il donne forme à l’absence, il brise le cercle des pensées répétitives. Ce que l’on ne parvient pas à dire, un geste ou une couleur peuvent parfois l’exprimer. Ce que l’on croyait figé peut alors se remettre en mouvement. C’est cette bascule subtile que l’art favorise : passer de l’étouffement à l’ouverture. Un pinceau qui apaise le vide laissé par un être aimé. Une danse qui ramène au présent celui qui ne cessait de ressasser. Une mélodie qui dénoue les larmes contenues. Ces gestes ne remplacent pas, mais ils réparent.
Ce que l’art nous apprend de l’humain
Ces histoires rappellent que l’art-thérapie n’est pas seulement une pratique individuelle, mais une démonstration vivante de la résilience humaine.
Julie le souligne : « Je dirais que l’humain n’est pas assez conscient de son potentiel et comme je l’affiche en première page de mon site internet www.artcotherapy.fr :“Tout doit pouvoir être libéré de sa coque… Ne vous croyez pas à l’intérieur d’une caverne, mais à la surface d’un œuf”, citation d’André Breton. On ne voit qu’une partie de nos possibilités et ressources, l’autre partie ne demande qu’à être explorée et mise en lumière, et lorsque nous faisons sa rencontre c’est un grand moment que l’on s’offre. Ce métier est inspirant, il est fait d’histoires personnelles de réussite et de surpassement. Il est en soi la démonstration de la résilience humaine. ».
Les neurosciences confirment aujourd’hui ce que les poètes savaient déjà : créer active les zones cérébrales de la mémoire, de l’attention, du plaisir. C’est comme rallumer des étincelles là où l’épreuve avait plongé l’esprit dans l’ombre. Et si nous n’utilisons qu’une partie de notre potentiel, c’est souvent parce que nous n’osons pas franchir la coque dont parle André Breton. L’art est précisément ce qui fissure la surface, pour révéler un espace plus vaste, insoupçonné.
Ces mots sont un rappel : nous sommes bien plus vastes que ce que nous croyons. L’art, en brisant la coque du silence et du refoulement, révèle des forces insoupçonnées. Je repense à mes propres moments d’étouffement, à ces nuits où les ruminations prenaient toute la place. Écrire m’a sauvé de bien des naufrages : non pas en effaçant ma douleur, mais en me ramenant au souffle. Chaque mot posé me redonnait un peu d’air. Chaque texte écrit me rappelait que je pouvais encore avancer.
Ce que Julie constate dans sa pratique, je l’ai vécu par l’écriture : la puissance de ce geste simple qui redonne de la respiration là où il n’y avait que l’oppression. Et c’est ce qui me frappe : peu importe le médium choisi, nous partageons tous ce besoin vital d’une respiration. Qu’elle passe par un pinceau, par un instrument, par un cahier ou par un corps en mouvement, la création devient ce souffle retrouvé.
Conclusion et ouverture
Quand l’art redonne le souffle, il ne change pas le passé. Mais il ouvre une possibilité pour demain.
Il invite à vivre à nouveau, différemment, plus léger, avec ce qui demeure et ce qui s’invente. L’art ne guérit pas d’un coup de baguette magique, mais il accompagne : il trace un chemin, il redonne de l’élan, il rappelle que sous les décombres d’une épreuve, une vie peut encore circuler.
Et vous, avez-vous déjà trouvé dans la création une manière de traverser une perte, un doute, un trop-plein de pensées ?
Dans le prochain article, « Devenir créateur de sa guérison », nous verrons comment l’art peut s’intégrer dans nos vies de tous les jours, comme une ressource simple et accessible, au-delà même des séances d’art-thérapie. Julie Morin nous éclairera une fois de plus de son regard d’experte et de praticienne. Vous pouvez d’ailleurs la retrouver via son compte Instagram ou sur son site internet.

